IL Y A 140 ans : L’OPTION
par MULLER Olivier
La guerre franco-allemande de 1870 s’acheva par la défaite de nos armées et la perte de l’Alsace-Lorraine réglée par le traité de paix signé à Francfort le 10 mai 1871.
Pour la population, l’article II de ce traité dit : « les sujets français originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire, qui entendront conserver la nationalité française, jouïront jusqu’au 1er octobre 1872 et moyennant une déclaration préalable faite à l’autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en France et de s’y fixer, sans que ce droit puisse être altéré par les lois militaires… »
Les conditions sont clairement énoncées : l’option du chef de famille inclue l’épouse et les enfants mineurs, les enfants majeurs opteront individuellement, pour des raisons de recrutement militaire, l’option est refusée aux jeunes gens âgés de 17 à 25 ans, les militaires sous les drapeaux resteront français.
Les optants locaux devaient se présenter au directeur de l’arrondissement de Forbach pour la déclaration en fournissant les documents nécessaires. En cas d’avis favorable, ils devront transporter leur domicile en France avant le 1er octobre, si non l’option restera sans effet. Ceux résidant en France et désirant le rester, accompliront les formalités dans les mairies des communes de résidence.
Le premier optant, GREFF Guillaume, se présenta à Paris le 16 février 1872, plus de 9 mois après la publication. S’en suit une deuxième déclaration en mars, 3 en avril, 17 en mai, 12 en juin, 17 en juillet, 23 en août et 170 en septembre dont 11 le dernier jour.
Le choix des lieux de repli se situe principalement en Meurthe-et-Moselle avec 109 options à Pont-à-Mousson, 37 à Pagny-sur-Moselle et 13 à Nancy. 45 personnes opteront pour Paris, 2 pour Alger et les autres dans 12 départements de métropole.
Ainsi donc, près de 250 personnes nées à Folkling et Gaubiving ou ayant des attaches familiales par alliance, refusaient ici de s’endormir le 30 septembre 1872 comme citoyen français et se réveiller le lendemain avec la nationalité allemande.
Etait-ce le bon choix ? L’inquiétude dérangea sans doute les esprits : patriotisme, peur du changement de nationalité, rigueur de l’autorité germanique. Comment savoir ! Il y avait la rumeur publique, la propagande française et surtout le service militaire. Les discussions devaient être animées dans les chaumières et ailleurs.
Que dire des 146 optants pour Pont-à-Mousson et Pagny-sur-Moselle juste au-delà de la nouvelle frontière d’état ?
D’ailleurs, toutes ces personnes sont-elles parties ? Celles de la dernière heure se trouvaient probablement dans l’incapacité matérielle de déménager dans les délais prescrits.
Le problème est général sur tout le territoire annexé, raison pour laquelle l’échéance fut repoussée, principalement pour permettre aux responsables de vérifier la régularité des déclarations.
Et là, surprise pour nos compatriotes. 16 chefs de famille négligeaient l’épouse et les filles, ne déclarant que leurs fils. 20 mineurs optèrent individuellement et 24 majeurs n’ayant 25 ans révolus. Irrégulièrement présentée, l’option de ces 134 personnes restera sans effet.
Le sort des autres est confus car les listes nominatives établies par l’administration allemande, commune par commune, furent détruites pendant la guerre en 1944. On ne connaître donc jamais les départs réels à Folkling et Gaubiving.
La migration perturba la démographie locale. Au recensement de 1861, la population locale s’élevait à 778 habitants, le comptage par l’administration allemande, au 1er décembre 1871, mentionna 757 et le recensement de 1875 seulement 697.
Comme les déclarations optionnelles débutèrent en février 1872, le décompte se solde par une perte de 60 habitants.
Ce déficit concerne des personnes déjà établies en France, et qui régularisaient simplement leur situation, quelques patriotes intransigeants mais aussi, et surtout les jeunes gens de moins de 25 ans, réfractaires au service militaire.
A Folkling, aucun appelé ne se présenta au conseil de révision jusqu’en 1879. A Gaubiving ? Ils se dérobaient en passant clandestinement la frontière. GREFF Nicolas, 21 ans, contourna l’obstacle en se déplaçant à Pont-à-Mousson en déclarant habiter cette ville. Il réussit.
La séparation familiale devint de plus en plus difficile à vivre et, en 1879, le phénomène s’arrêta. La poursuite aurait féminisé la population locale et par conséquent favorisé l’apport de substance étrangère.
Mais il y avait des retours. WELTER Michel, marié à Paris « oublia » d’opter. Considéré comme sujet allemand, il rentra au pays avec son épouse et ses deux enfants en 1874.
Les débuts de l’annexion, troubles et tourmentés, perturbèrent la vie courante dans tous les domaines à Folkling et Gaubiving. Durant ces évènements, la commune a perdu 8 % de sa population en seulement quatre ans.