La libération de Paris, anticipée, favorisa l’avance rapide de la 3ème armée américaine vers nos régions. Début septembre 1944, la progression s’immobilisa sur les rives de la Moselle pour cause de panne d’essence et manque de munitions. La logistique s’étant déréglée, un arrêt s’imposa pour aligner les unités.

Le commandant allemand remarqua cette défaillance, se ressaisit et ordonna la construction d’une ligne de défense sur l’axe Trèves-Belfort. Les ouvrages concernaient principalement l’aménagement de fossés anti chars.

Dans notre région, le fossé passe par Forbach, épouse le tracé de la voie rapide jusqu’à la zone industrielle et se prolonge ensuite vers Behren et Grosbliederstroff.

Toutes les forces vives, de 16 à 65 ans, sont mobilisés : apprentis, ouvriers, personnel de service, mineurs, les puits étant fermés, agriculteurs avec leurs attelages… et aussi les prisonniers de guerre, majoritairement soviétiques. Parmi ceux-ci, figurait l’équipe de détenus qui logeaient dans la baraque sur le site de l’ancienne tuilerie Couturier à Remsing.

Il y avait du beau monde et, pour comble, sans expérience pour le terrassement. Les personnes encore valides de Gaubiving furent obligées de participer dès le 17 septembre.

Les prisonniers se rendaient au chantier sous bonne escorte pour intégrer la manœuvre. Dans ce fourmillement, à la surveillance plutôt lâche, les évasions se multiplièrent, de jour en jour d’avantage. On ignore l’art et la manière, mais il y avait convergence. A Folkling, un groupe se rassembla au Grosswald et un autre dans la forêt du Hérapel.

Ils vivaient des fruits de saison mais aussi de la générosité des habitants. En contre partie, ils aidaient les donateurs dans les travaux champêtres, particulièrement la récolte des pommes de terre effectuée cette année manuellement à cause des intempéries. Le soir, certains toquaient au volet ou à la porte arrière et personne ignorait la démarche. D’autres s’installèrent dans le sous-sol de maisons inhabitées pour passer la nuit. Une entente, voire complicité, s’installa.

Cette pratique s’arrêta le dimanche 12 novembre, jour de la kirb, par l’arrivée des premiers détachements de la Wehrmacht en retraite, qui prenaient cantonnement dans certaines maisons de Folkling.

Les évadés russes sont désormais livrés à eux-mêmes. Encore actives, les patrouilles de recherche SS qui en appréhendaient ici ou là, les exécutaient sans jugement.

La population locale, réfugiée dans les caves, perdit tout contact avec eux durant l’attente de la libération par les troupes américaines. Folkling fut libéré le 6 décembre 1944, Gaubiving le 1er janvier et le front resta inactif jusqu’à l’offensive du 17 février suivant.

Durant ces trois mois d’occupation passive, des patrouilleurs US découvraient trois cadavres dans la forêt du Grosswald et rendaient compte hiérarchiquement.

Début mars, le service des Affaires Civiles de la 70ème division réquisitionna des habitants de Gaubiving pour les enterrer. Parmi eux, EGLOFF Aloyse, GLAD Joseph et KLEIN André, avec pelle et pioche, suivaient les militaires qui les guidaient par un chemin déminé vers l’endroit où gisaient les trois victimes. Nos compatriotes les identifiaient comme prisonniers de guerre russes évadés, mais ne laissaient aucun témoignage quant à la cause des décès.

Le sol gelé empêchait de les enterrer sur place. Les corps furent déplacés vers les bords d’un ruisselet au sol humide et dégelé, favorable à l’inhumation. Une croix faite de deux branches croisées avec du fil téléphonique, qui foisonnait à la ronde, repéra leur tombe.

Dans les années cinquante, EGLOFF Aloyse, un des fossoyeurs, récupéra une croix inutilisée au cimetière de Gaubiving, pour la remplacer. Avec le temps, elle était pourtant en chêne verni, le plantage au sol se dégrada et un tuteur à l’arrière la supporta un certain temps avant qu’elle ne prenne appui contre un arbuste et fixée par du fil de fer.

Dans les années quatre vingt, le service de recherche des disparus de la guerre, guidé par GREFF Edouard de Gaubiving, voulut déterrer les corps, malheureusement sans résultat, malgré plusieurs sondages. Et pour cause, la croix ne matérialisa plus l’endroit de la sépulture.

En 1995, un habitant de Théding, aux initiales du nom BR, confectionna un monument métallique à leur honneur. Composé de quatre panneaux en profilé mécano-soudés, il fut assemblé sur place par boulonnage. De forme rectangulaire, il mesure 180 cm sur 110 cm et 60 cm de haut.

A l’arrière, une croix en bois coiffée porte au milieu du croisillon l’épitaphe maladroitement écrite en blanc sur fond noir « ici reposent en paix trois soldats russes prisonniers de guerre évadés tués en 1945 ». Une autre croix formée par des maillons d’une chaîne de halage joliment assemblés, décore la face avant.

L’emplacement du monument tengente les arbustes, dont l’un soutenait auparavant l’ancienne croix.

Caché au fond du bois, la visite des lieux se résumait à quelques connaissances de passage. Pourtant, Marcel KARAS, du vélo club de Merlebach, en randonnée dans la forêt, s’égara et croisa le monument par hasard. Il fit part de sa découverte à Jean Pierre ADAM, porte drapeau du souvenir français et son épouse d’origine russe.

Le 2 juillet 2016, une délégation, sous leur conduite, se déplaça au monument, en compagnie de M. Valéry LEVITSKY, consul général de Russie à Strasbourg, en déplacement dans la région avec son épouse. Le diplomate russe, très ému, apprécia le site, la mémoire et le souvenir qui lui sont portés.

La commune de FOLKLING dispose de trois lieux relatifs aux conflits mondiaux : le monument forestier, le monument aux morts et la plaque commémorative au cimetière de Gaubiving.

Le monument aux morts mentionne 42 victimes locales identifiées reposant en terre étrangère alors que celui du Grosswald cite 3 inconnus russes enterrés sur place.

MULLER Olivier

LA TOMBE DES TROIS RUSSES

Merci à notre historien local Olivier MULLER pour cette nouvelle page d’histoire pour une sépulture qui fait partie de notre patrimoine.

Le 2 juillet dernier le Consul Général de Russie à Strasbourg, Valéry LEVITSKY et son épouse Elena sont venus se recueillir sur ces tombes avec une délégation communale conduite par les adjoints Albert GERHARD et Sylvain ROTH avec Olivier et Alfred MULLER.

De retour à Strasbourg, le Consul très ému s’est proposé de participer à la mise en place d’un cheminement et d’un fléchage pour accéder plus facilement au site de la forêt du Grosswald.